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La Pédagogie Waldorf

État des lieux, fondements et perspectives

Aethera
24,00

 

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Présentation de l’ouvrage

Depuis leur création en 1919 par Rudolf Steiner, les écoles Waldorf sont devenues une composante incontournable du paysage pédagogique mondial. Aujourd’hui, elles ne cessent de se développer dans les pays et les cultures les plus différentes. Malgré ce succès globalement positif, le concept de « pédagogie Waldorf » reste souvent incompris, controversé, voire sévèrement dénigré.
Des fruits positifs et féconds, pourraient-ils émaner d’un arbre défectueux ? L’ouvrage de Jost Schieren et de ses collègues aborde cette question de front. Il présente les principes fondamentaux de la pédagogie Waldorf en tant que concepts à développer scientifiquement au sein de la discipline fondamentale des sciences de l’éducation.
Il s’agit d’une des premières tentatives pour ouvrir un espace de dialogue au-delà des idées toutes faites et des condamnations arbitraires.

Sommaire :
Quelle image de l’homme ? – Fondements épistémologiques – Le problème de la terminologie anthroposophique – Apprendre par l’expérience – L’enseignement par périodes – Le développement de l’enfant au fil des septénaires et des crises – Quel plan scolaire ? – Le travail sur soi de l’enseignant – Une conception du monde à l’école ?

Extrait : Introduction – Jost Schieren

Les écoles Waldorf font aujourd’hui partie des institutions les plus en vue et les plus répandues dans le domaine des pédagogies alternatives. En 2018, il existe en Allemagne quelque 240 écoles et plus de 500 jardins d’enfants, et dans le monde on dénombre environ 1 300 écoles dans 30 pays. La Chine en particulier connaît depuis quelques années un véritable Waldorf-boom. À part la pédagogie Montessori, qui compte encore beaucoup plus d’institutions, aucun autre mouvement pédagogique dans le monde ne connaît une telle expansion.
Les parents qui envoient leurs enfants dans les écoles Waldorf le font parce qu’elles ont la réputation d’être moins obnubilées par les résultats, et donc de moins stresser les élèves, de leur proposer plus de temps libres pour leur développement individuel, et de les inciter en même temps à s’en saisir activement de façon variée en mettant l’accent sur les matières manuelles et artistiques, qui doivent équilibrer un enseignement unilatéralement cognitif. On y renonce aux classements, à la sélection et aux notes. Un même professeur principal suit les élèves pendant les cinq, six, voire huit premières années d’école. Les élèves ne restent pas assis durant des heures, n’utilisent pas de manuels tout faits, mais réalisent eux-mêmes leurs « dossiers de période », ils étudient dès le début deux langues étrangères, etc.
Malgré le succès global et le développement positif de ces écoles qui sont devenues une composante plus ou moins évidente du paysage pédagogique mondial, il faut bien constater que le concept de « formation Waldorf » a jusqu’ici été très peu pris en considération par les sciences de l’éducation, et que ses fondements théoriques sont le plus souvent sévèrement condamnés. La situation de la pédagogie Waldorf dans le contexte des sciences de l’éducation s’est installée soit dans l’ignorance, soit dans une critique sévère, la seconde attitude étant souvent la conséquence inexprimée de la première.

Les critiques des sciences de l’éducation

Le premier commentaire sur la pédagogie Waldorf détaillé et approfondi venant des sciences de l’éducation a été publié dans les années 1980 après la vague de nouvelles créations d’écoles du même nom qui avait débuté vers 1970. Aujourd’hui encore, le verdict qui fut alors posé fait toujours autorité. Dans son ouvrage au titre provoquant, Erziehung zur Anthroposophie (« Éducation à l’anthroposophie »), paru en 1985, Klaus Prange1 évoque le grave problème d’une pédagogie « empêtrée dans une conception du monde, dogmatique et cherchant à endoctriner ».
Heiner Ullrich, qui entreprend de présenter avec sa thèse Waldorfpädagogik und okkulte Weltanschauung (« Pédagogie Waldorf et conception occulte du monde ») ²  une évaluation fouillée de l’anthroposophie qui sous-tend la pédagogie Waldorf, finit par conclure qu’« il s’agit d’une conception prémoderne (c’est-à-dire pré-scientifique), à caractère mystique ». À un autre endroit, il écrit : « À l’encontre de l’autolimitation méthodique consciente, de la pluralité et de la non-herméticité de la démarche scientifique moderne, Steiner et ses disciples veulent connaître, et même voir la totalité bien ordonnée du monde comme une vérité dogmatique éternelle et inchangeable. […] Leur forme de pensée est une philosophie dégénérée, une conception du monde. […] Steiner a entièrement succombé au danger d’une telle forme de pensée […] en élaborant la “science occulte” anthroposophique. Là, la spéculation métaphysico-dogmatique prémoderne du néoplatonisme débouche sur l’interprétation du monde consciemment remythifiée de la théosophie » ³.
La position esquissée par ces deux auteurs, avec son reproche d’idéologie, est restée déterminante jusqu’à aujourd’hui dans les sciences de l’éducation. L’anthroposophie est présentée comme « le problème » de la pédagogie Waldorf. Dans son plus récent ouvrage, Waldorfpädagogik. Eine kritische Einführung (« La pédagogie Waldorf, une présentation critique4 »), Heiner Ullrich réitère ses critiques. Certes, il reconnaît le succès de la pratique de cette pédagogie : « Les écoles Waldorf méritent amplement leur belle réussite5 », mais ce satisfecit accordé à la pratique s’accompagne aussitôt d’un contrepoids pour dénoncer l’empreinte d’une conception du monde :
« Elles puisent leurs fondements dans l’image de l’homme et du monde de l’anthroposophie de Rudolf Steiner. Celle-ci ne détermine pas seulement la méthode de l’enseignement et de l’éducation, mais aussi, de multiples façons, le contenu du plan scolaire et les thèmes de l’enseignement. Aucune structure d’école issue d’un autre courant de réforme pédagogique n’est autant marqué par une conception du monde que la pédagogie Waldorf6. »
Ullrich trouve ici important d’ajouter que l’anthroposophie ne se tient pas seulement à l’arrière-plan d’un mouvement pédagogique positif en soi, mais qu’elle marque de son empreinte toutes ses pratiques.
Selon Ullrich, la pédagogie Waldorf est déterminée idéologiquement, d’un bout à l’autre, par l’anthroposophie. Il faut relever à ce propos que le poids idéologique de la pédagogie Waldorf semble agir plus lourdement que, par exemple, l’éducation « cosmique » de Maria Montessori, qui, dans une perspective scientifique, est pourtant tout aussi incommensurable. Alors que la pédagogie Montessori peut pratiquer de façon relativement neutre une « pédagogie centrée sur l’enfant » dans beaucoup d’écoles, et se voit acceptée dans de nombreux séminaires en sciences de l’éducation, ce n’est généralement pas le cas de la pédagogie Waldorf, car ces mêmes sciences de l’éducation achoppent sur les prétentions théoriques de l’anthroposophie. Seule l’estime généralisée des parents assure aux écoles Waldorf une forme d’existence reconnue au sein du système international des écoles privées.
Dans le Lexikon der Pädagogik de Heinz-Elmar Tenorth et Rudolf Tippelt, on peut lire : « Étant donné son travail centré sur l’enfant et les formes autonomes de son organisation de l’emploi du temps et des matières, la pédagogie Waldorf est en même temps critiquée parce qu’elle chercherait à imposer l’anthroposophie7. » La seule référence bibliographique est ici l’ouvrage très critique de Prange Erziehung zur Anthroposophie évoqué plus haut.
Dans la célèbre monographie d’Ehrenhard Skiera Reformpädagogik in Geschichte und Gegenwart (« Réformes pédagogiques d’hier et d’aujourd’hui »), on trouve, après une citation de Rudolf Steiner : « c’est du totalitarisme idéologique à l’état pur. Il a tendance à envoûter tout un chacun et à parer toute critique. Tant que sa mission n’est pas encore accomplie, son ouverture aux autres n’est qu’une posture pour amener d’autres sources à ses propres idées ou une stratégie de récupération progressive8. » Avec ce genre d’affirmations, la position des sciences de l’éducation vis-à-vis des propositions théoriques de la pédagogie Waldorf prend une tournure résolue et décisive. En Allemagne, où le concept de « totalitarisme » est marqué au fer rouge, cela interdit, de fait, toute confrontation. Il ne faut pourtant pas manquer d’ajouter que le même Skiera, en dépit de sa critique de la théorie anthroposophique, parle avec force détails de la pédagogie Waldorf dont il reconnaît toute la valeur, et va même jusqu’à utiliser pour illustrer la première édition de son livre un « dessin Waldorf » tiré de l’apprentissage des lettres. Dans sa conclusion, il explique que « le regard critique présenté ici semble poser un jugement négatif sur la pratique de la pédagogie Waldorf. Or cela n’est pas logiquement nécessaire. On peut très bien apprécier certains résultats de l’alchimie, comme l’invention de la porcelaine, sans pour autant être convaincu par ses prémices théoriques ou la finalité de sa démarche en général. Quand la pédagogie Waldorf traduit de façon conséquente son image de l’homme dans la pratique, elle va tout à fait dans le sens des souhaits de la pédagogie “moderne” » 9. Skiera cite alors quelques aspects principaux de la pratique pédagogique Waldorf qui correspondent à ces souhaits : de l’autorité à l’école, l’ouverture au monde, l’éducation esthétique, la formation globale, l’aspect inclusif, etc.

Un problème de réception

L’anthroposophie a été, et est toujours représentée, défendue et soutenue par des personnes activement engagées dans ses divers champs d’application comme la médecine, l’agriculture, la pédagogie, l’éducation spécialisée ou l’art-thérapie­. Le succès et l’expansion de la pédagogie Waldorf reposent sur l’enthousiasme et le dévouement de femmes et d’hommes pour l’impulsion pédagogique de Rudolf Steiner dont ils approuvent les fondements humanistes et ressentent le bien-fondé et l’efficacité pour le développement des enfants et des adolescents. Mais ramenée à une simple méthode pédagogique (comme le suggèrent les conseils scientifiques), la pédagogie Waldorf n’a pas pu et ne peut toujours pas être présente au même titre que les sciences académiques. La pertinence et la fécondité de la pédagogie Waldorf vécues directement dans le travail quotidien des enseignants se voient par ailleurs soumises à une critique scientifique fondamentale, ce qui a conduit en partie à une politique d’autojustification apodictique plus ou moins heureuse, qui n’a finalement fourni que peu d’éléments argumentaires convaincants du point de vue scientifique théorique. L’abondante littérature secondaire pédagogique anthroposophique publiée de cette façon a un fort caractère auto-affirmé, qui s’est avéré peu propice jusqu’à maintenant à persuader des personnalités scientifiques pour engager un débat de fonds. On s’est laissé enfermer, au fil des décennies, dans un cercle vicieux de déclarations et de contre-déclaration stériles qui a débouché sur une paralysie des débats.
Un recours unilatéral aux œuvres de Rudolf Steiner, le fondateur de la pédagogie Waldorf, ne permet pas non plus de faire avancer la situation. Rudolf Steiner a développé la pédagogie Waldorf de 1919 jusqu’à sa mort en 1925 comme une sorte de work in progress. Il a toujours apporté les éléments fondamentaux de cette nouvelle création de façon pratique, en formant directement les professeurs, et dans beaucoup de conférences publiques ou internes dans différents milieux intéressés, mais jamais de façon systématique, et le plus souvent en répondant à des questions liées à des circonstances concrètes et à des situations précises. Il n’existe aucun écrit de sa main qui expose de façon systématique ce qu’est la pédagogie Waldorf. Dans ses nombreuses conférences et allocutions, Steiner a plutôt mis l’accent sur l’impulsion pédagogique et l’inspiration des professeurs. Il voyait moins la qualité de l’école Waldorf dans des théories et des connaissances scientifiques, ou encore dans une méthode ou des savoir-faire codifiés, que dans la qualité réelle des cours, autrement dit la compétence des enseignants qui s’enthousiasment pour leur matière, font preuve d’imagination et d’inspiration, et surtout portent une attention pleine d’amour à leurs élèves. Il est indéniable qu’il a réussi à éveiller un enthousiasme puissant pour l’impulsion pédagogique de l’école Waldorf chez les premiers professeurs avec lesquels il a directement travaillé, et que cet enthousiasme s’est communiqué à de nombreux continuateurs pendant plusieurs générations. Il faut souligner d’emblée qu’il importait beaucoup à Rudolf Steiner, en fondant cette pédagogie, que les écoles Waldorf ne deviennent pas les écoles d’une conception du monde. Il a encore et toujours, et de façon décidée, insisté sur le fait que l’anthroposophie ne devait pas s’introduire dans le plan scolaire de l’école (voir chapitre XII, p. 253).

Pourquoi ce livre ?

Cette publication ne prétend pas poser la base scientifique de la pédagogie Waldorf, pas plus qu’elle ne cherche à déterminer si la pédagogie Waldorf est scientifique ou non. Ce qu’elle tente de faire est plutôt de traiter la pédagogie Waldorf de façon scientifique. Cela fait apparaître des convergences et des divergences avec les positions centrales des sciences de l’éducation. N’est-ce pas le cas avec toute discussion qui se place sur un pied d’égalité ? Si ce travail pouvait contribuer à ce que la pédagogie Waldorf ne soit pas simplement balayée d’un revers de main avec des verdicts plus ou moins empreints de chauvinisme, de façon pré-ou non-scientifique, mais qu’elle devienne l’objet d’une étude scientifique qui prenne aussi au sérieux ses fondements théoriques, nous aurions atteint notre principal objectif. Finalement, une science de l’éducation qui se respecte ne pourra pas se permettre d’ignorer indéfiniment un concept pédagogique qui existe depuis un siècle et connaît un succès grandissant dans le monde entier, en dédaignant ses fondements théoriques explicites. Il serait souhaitable qu’avec cette publication une recherche et un débat plus larges et plus ouverts puissent s’instaurer autour de la pédagogie Waldorf, et que l’on sorte de l’impasse où la situation s’est peu à peu enlisée.

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Format Broché - 280 pages
Date de parution 07/12/2018
Traducteur Raymond Burlotte
ISBN 978-2-915804-41-9